Je mange, donc je suis!

Troubles de l'humeur et alimentation

Les troubles de l’humeur (altération de la pensée, de l’humeur ou du comportement étant associés à un certain niveau de détresse) sont fortement prévalents au Canada. En effet, 1 personne sur 7 est affligée de cet état (1). Jusqu’à 1 personne sur 3 ressentira de l’anxiété à un moment ou à un autre de sa vie (2). L’implantation de la psychothérapie, les outils de croissance personnelle et d’autogestion des émotions ainsi que la prescription d’antidépresseurs de tout genre font partie des thérapies de première ligne pour traiter un trouble de l’humeur (3). Étonnamment, il a aussi été démontré que les personnes atteintes d’un trouble mental comme la dépression ou l’anxiété sont aussi plus susceptibles d’être atteints d’une maladie chronique comme la maladie cardiovasculaire, le diabète, l’hypertension artérielle, la maladie pulmonaire obstructive chronique, etc (4). Sachant que les maladies cardio-métaboliques du genre sont très souvent issues de mauvaises habitudes de vie, entre autres de mauvaises habitudes alimentaires, pourrait-il y avoir un lien physiologique entre les deux? En quoi l’alimentation peut-elle avoir un impact sur le fonctionnement du cerveau et la gestion des humeurs?

L’alimentation est considérée par la majorité d’entre nous comme l’action d’ingérer des « calories » pour dépenser cette d’énergie au quotidien sous différentes formes. Pour ajouter à cette conception limitée, l’alimentation se révèle aussi être un puissant vecteur de santé en permettant de fournir au corps, à chaque bouchée, des milliers de molécules chimiques ayant une pertinence biochimique bien claire dans le corps et sans lesquelles une tonne de réactions enzymatiques n’arriveraient pas à se faire correctement. De ces fonctions vitales qui relèvent de l’interaction dynamique et continue avec plusieurs nutriments essentiels issus de notre alimentation, la production des neurotransmetteurs qui régulent les humeurs et comportements dans le cerveau en fait clairement partie.

Plusieurs études chez l’humain se sont penchées sur l’effet de l’alimentation sur l’état de la santé mentale. Il n’est pas surprenant de retrouver des conclusions qui soutiennent le fait qu’une alimentation saine est associée à un degré moindre de dépression (5,6,7,8,9). En effet, on peut définitivement conclure qu’une approche alimentaire qui favorise la consommation d’une abondance de légumes et fruits, de grains entiers non transformés, de poissons gras, d’huile d’olive, de noix et de graines est en tout point reliée à une santé psychologique plus équilibrée. À l’inverse, on voit un risque accru de dépression chez les grands mangeurs de viande rouge et/ou transformées (charcuteries), de grains / céréales raffinés (farines, pains, céréales à déjeuner, pâtes, etc.), de produits laitiers riches en gras ainsi que des desserts, bonbon et confiseries. Étonnement, on constate que ce type d’alimentation est aussi associée à une réduction significative de souffrir d’une maladie cardiovasculaire, comme quoi l’effet biochimique induit par ces habitudes alimentaires ont une implication dans les mécanismes inflammatoires pouvant affecter le cerveau autant que la santé des artères (10). Il est tout aussi stupéfiant de constater que l’alimentation de la mère qui porte son fœtus a le pouvoir d’affecter l’état de la santé mentale de son bébé à venir lors de l’enfance et de l’adolescence. En effet, plus cette alimentation est pauvre en nutriments et riche en produits transformés, plus l’enfant à naître est susceptible de développer des problèmes psychiatriques tout au long de son développement (11,12,13,14). Mais pourquoi l’alimentation a-t-elle un si grand impact sur la santé mentale? L’effet sur le microbiote, la balance entre l’inflammation et le stress oxydatif ainsi que l’impact sur la plasticité cérébrale sont des mécanismes bien décrits.

Le microbiote = notre deuxième cerveau

En premier lieu, on ne peut pas passer sous le silence l’effet puissant du microbiote intestinal et son lien sur la santé mentale qui est à l’origine de milliers de publications scientifiques dans les dernières années. Considéré comme un « organe » en soit, le microbiote intestinal comporte près de 100 trillions de bactéries, soit plus que le nombre de cellules qui nous constituent (15). Ces bactéries nous habitent de façon symbiotique en étant étroitement impliquées dans plusieurs processus essentiels à la survie de l’humain tel que la synthèse de vitamines et de neurotransmetteurs, la régulation de l’immunité systémique et de l’inflammation, la protection de la barrière épithéliale digestive servant à l’absorption des nutriments, etc (16). Il n’est pas surprenant que les perturbations du microbiote, particulièrement la perte de diversité, soient associées à de nombreuses maladies chroniques cardio-métaboliques et inflammatoires (17).  Ces bactéries qui nous colonisent réagissent et assurent leur croissance selon ce qui leur est donné à « manger » (soit de la façon dont on s’alimente au quotidien) et interagissent de façon bidirectionnelle avec les 500 million de neurones individuelles qui tapissent le système digestif (18).  Les fibres et plusieurs polyphénols (retrouvées dans les noix, les graines, les grains entiers non transformés, les légumineuses, les fruits et légumes) sont les nutriments de choix permettant une bonne sélection, diversité et croissance des bactéries les plus saines (19). À l’inverse, une prise excessive de certains médicaments (antibiotiques, antiacides, anti-inflammatoires, etc.), un état de stress chronique ainsi qu’une alimentation pauvre en fibres et riches en aliments transformés, en sucres de tout genre, en édulcorants et en pesticides peut grandement affecter la qualité du microbiote (20,21).  Quand le microbiote est perturbé par les stresseurs cités précédemment, on peut assister à un phénomène de perte d’intégrité de la barrière épithéliale tapissant la lumière du tube digestif, engendrant un bris entre les protéines liant les cellules les unes aux autres permettant d’assurer une bonne perméabilité entre le contenu intestinal et la circulation systémique. On appelle le « syndrome d’intestin perméable » le phénomène où les molécules alimentaires, métabolites bactériens et/ou bactéries elles-mêmes s’immiscent dans la circulation systémique sans avoir pu être filtrées adéquatement et dont la présence déclenche l’activation du système immunitaire et un état d’inflammation constant. On a associé ce syndrome à plusieurs pathologies systémiques comme les maladies inflammatoires intestinales, le diabète, l’asthme et les désordres psychiatriques comme l’anxiété, la dépression et l’autisme (22,23,24,25,26).  Les molécules inflammatoires engendrées par la présence de ces molécules exogènes en circulation et neutralisées par le système immunitaire affecte le corps en entier : inhabilité à bien réguler la glycémie, douleurs chroniques, fatigue, humeur négative ou anxieuse, ballonnements digestifs, etc. Dans cette situation, un assainissement de l’alimentation, le retrait des comportements ou substances nuisant à l’équilibre du microbiote ainsi que l’usage de probiotiques peut s’avérer très pertinent pour retrouver une diversité et fonction optimale du microbiote avec son effet attendu sur la régulation de l’immunité et de l’inflammation systémique ainsi que sur le métabolisme de neurotransmetteurs et plusieurs vitamines et molécules biochimiques essentielles à la fonction des systèmes du corps (27).

L’inflammation, le stress oxydatif et le besoin en anti-oxydants

L’inflammation est un phénomène normal et essentiel à la survie qui permet la guérison d’une structure lésée à la suite d’un dommage de tout genre aux structures du corps. Elle est importante en situation aigue et occasionnelle lorsque le dommage est créé accidentellement, mais elle devient un problème lorsqu’elle est présente de façon chronique à cause de dommages réguliers et persistants. Par exemple, l’exposition quotidienne à des toxines (comme la cigarette ou les moisissures dans l’environnement), le stress et le manque de sommeil chronique (impliquant des perturbation hormonales pro-inflammatoire persistantes) et une alimentation remplie de sucre et d’aliments transformés néfaste pour le système digestif sont des situations qui contribuent à causer l’inflammation chronique. Il a été démontré que l’inflammation chronique de bas grade est associée à la dépression, la schizophrénie et la maladie bipolaire (28,29,30). Le stress oxydatif est le résultat de l’inflammation chronique et résulte en la fabrication de radicaux libres qui s’attaquent aux structures saines du corps (incluant les neurones!) et qui est la cause de la perte de fonction des organes et du vieillissement accéléré. Une des façons de contrer le stress oxydatif est d’administrer au corps une quantité significative « d’antioxydants » qui sont en réalité les phytonutriments, vitamines et minéraux divers qui se retrouvent dans une alimentation saine, riche en végétaux, non transformée et diversifiée. On a effectivement remarqué dans certaines études que plusieurs marqueurs antioxydants étaient réduits chez les individus ayant des épisodes dépressifs aigus (31,32).

La plasticité cérébrale, essentielle pour la régulation émotionnelle

Une région essentielle du cerveau, l’hippocampe, est impliquée dans les phénomènes d’apprentissage, la création de la mémoire et la régulation émotionnelle. Les neurones de cette région du cerveau semblent être capables de se former et de croitre sous l’effet d’une substance appelée BDNF (Brain-derived neurotrophic factor) (33,34). À défaut d’avoir un hippocampe bien développé et fonctionnel, on peut faire face à des troubles de la mémoire, de la difficulté à apprendre de nouvelles tâches et une mauvaise gestion des émotions, symptômes que l’on voit très souvent dans la dépression et l’anxiété. Le stress est l’un des facteurs les plus puissants pouvant affecter négativement les niveaux de BDNF (35), mais de plus en plus d’évidences pointent vers le fait qu’une diète d’une grande densité nutritionnelle affecte favorablement les niveaux de BDNF pouvant stimuler la neurogénèse, alors que les diètes riches en sucre et en gras de mauvaise qualité retrouvés dans les aliments transformés ont un effet totalement contraire (36,37,38). 

Pour toutes les raisons physiologiques discutées ci-haut, une bonne santé mentale repose sur un apport optimal en nutriments essentiels permettant d’assurer toutes les réactions biochimiques du corps impliquée dans la sélection d’un microbiote diversifié, dans la synthèse de neurotransmetteurs, dans la neurogénèse et l’atténuation du stress oxydatif engendré par l’environnement et/ou les habitudes de vie pouvant créer un dommage cellulaire jusqu’aux neurones du cerveau. Chaque bouchée que l’on ingère devrait être la plus nutritive possible : 

  • Aucun aliment transformé par l’industrie alimentaire : les aliments consommés devraient s’approcher le plus près possible de ce que l’on pourrait cueillir dans un jardin ou retirer d’un animal en liberté, dont l’environnement est optimal.
  • Une abondance de végétaux de tout genre. Par exemple, aller chercher l’arc-en-ciel des couleurs à travers des choix de fruits et légumes sur l’espace d’une semaine. Il serait sage de prioriser les légumes aux fruits pour éviter un excès de sucre pouvant être moins bien tolérés chez les individus susceptibles métaboliquement. 
  • Un apport significatif en fibres à ajouter quotidiennement sous forme de noix, graines, légumes et fruits, grains entiers non transformés et de légumineuses.  
  • Un apport en gras de bonne qualité tel que l’huile d’olive, les noix, les poisson gras, etc. tout en faisant attention de ne pas surchauffer l’huile alors que ses propriétés favorables pourraient être perdues.
  • Un apport en probiotiques par le biais d’aliments fermentés (choucroute, kimchi, yogourt nature, kefir, tempeh, etc.)
  • Aucun sucre raffiné ou de sucres concentrés provenant d’aliments entiers.

L’alimentation devrait toujours être optimisée avant de proposer une supplémentation visant à permettre un apport suffisant d’un nutriment quelconque puisqu’un aliment entier apporte beaucoup plus sur le plan biochimique que ce qu’on peut retrouver dans un comprimé. Cependant, il est parfois nécessaire d’avoir recourt à la supplémentation pour des raisons diverses (intolérances alimentaires à certains aliments, inhabilité à ingérer l’apport nutritionnel recommandé d’un certain nutriment, mode de vie qui sollicite un apport plus grand que recommandé d’une certaine substance que l’alimentation n’arrive pas à fournir en assez grande quantité, etc.). La personnalisation de l’approche est essentielle afin de cibler les risques de carences et les niveaux d’apport en nutriments et surtout d’évaluer la qualité et la diversité du microbiote qui nous habite tout en cherchant des stratégies pour l’optimiser, connaissant son impact positif bien démontré sur la santé mentale. Somme toute, il est clair que la psychothérapie et l’utilisation des antidépresseurs ne sont pas les seules options dans la prise en charge des troubles de l’humeur. Le fait de se tourner vers des stratégies d’assainissement de l’alimentation et des habitudes de vie peut s’avérer parfois beaucoup plus puissant dans la quête d’améliorer la santé mentale!

Anne-Isabelle Dionne MD

Dre Dionne est omnipraticienne depuis 2014 et pratique aux soins intensifs de l’hôpital Honoré-Mercier de St-Hyacinthe ainsi que dans un GMF sur la Rive-Sud de Montréal. Elle a fondé en 2018 un centre de médecine préventive se spécialisant dans l’accompagnement des gens souffrant de problèmes de santé divers dans l’amélioration de leurs habitudes de vie au quotidien par le biais de l’alimentation, l’activité physique, la gestion du stress et du sommeil. Le Centre Axis est un OBNL qui offre une de prise en charge multidisciplinaire à visée préventive à la population générale désirant améliorer leur santé, prévenir ou renverser une maladie chronique connue tout en diminuant le besoin de médication associé. Les services du Centre Axis peuvent se dispenser à distance en télémédecine. Pour nous contacter : 514-953-2947 ou info@centreaxis.ca.


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  3.  Kennedy SH, Lam RW, McIntyre RS, Tourjman SV, Bhat V, Blier P, Hasnain M, Jollant F, Levitt AJ, MacQueen GM, McInerney SJ, McIntosh D, Milev RV, Müller DJ, Parikh SV, Pearson NL, Ravindran AV, Uher R; CANMAT Depression Work Group. Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT) 2016 Clinical Guidelines for the Management of Adults with Major Depressive Disorder: Section 3. Pharmacological Treatments. Can J Psychiatry. 2016 Sep;61(9):540-60. doi: 10.1177/0706743716659417. Epub 2016 Aug 2. Erratum in: Can J Psychiatry. 2017 May;62(5):356. PMID: 27486148; PMCID: PMC4994790.
  4. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/maladies-et-affections/rapport-systeme-canadien-surveillance-maladies-chroniques-maladies-mentales-canada-2015.html
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La Covid-19: une maladie des habitudes de vie

La Covid-19: une maladie des habitudes de vie

La COVID-19 a fait couler beaucoup d’encre depuis le début de l’année 2020. Et au grand désarroi de chacun, ce n’est pas demain la veille que le sujet deviendra dépassé. On a parlé de méthodes de prévention physique, d’économie chamboulée, de réorganisation du système de  santé, de vaccination, etc. Mais a-t-on véritablement fait le point sur les facteurs de risque étroitement reliés au fait de développer la forme sévère de la COVID19 nécessitant une hospitalisation et des soins de santé avancés ainsi que la façon de les diminuer ? Chose certaine, même si le sujet a été soulevé sommairement, peu de stratégies concrètes ont été mises en branle dans notre système de santé pour permettre aux gens désirant réduire leur risque de développer des complications liées à la COVID19 de le faire réellement. Dans cet article, je désire vous permettre de mieux comprendre les réels impacts de vos habitudes de vie sur la santé de votre système immunitaire dans le but de vous donner tous les outils possibles pour prendre votre santé en mains malgré le chaos sociétal qui persiste, et ce à très faible coût !

Premièrement, il est important de comprendre les bases très sommaires du fonctionnement de notre système immunitaire afin de réaliser l’impact de nos divers comportements sur ce dernier. Lorsque nous sommes exposés à un pathogène (virus, bactérie, champignon, etc) les cellules de notre système immunitaire inné (première ligne de défense) s’activent en reconnaissant la présence d’un microorganisme étranger au corps. Elles attaquent et tentent d’affaiblir ce dernier afin de le neutraliser et d’éviter le développement d’une infection plus sévère. Ces cellules de première ligne produisent aussi des substances chimiques (cytokines) qui agissent à titre de signal pour avertir les autres cellules appartenant à une notre système immunitaire acquis (deuxième ligne de défense) de se mobiliser, c’est à dire la fonction de l’immunité qui se spécialise dans la fabrication d’anticorps qui seront fabriqués pour contribuer à la destruction du pathogène inconnu au corps. 

Dans l’infection à SARS-COV2 menant à développer la COVID19, le système immunitaire réagit de la même façon. On s’est toutefois longtemps demandé pourquoi il existe une si grande hétérogénicité dans la présentation de la maladie, c’est à dire que certaines personnes peuvent éliminer le virus sans même avoir développé des symptômes (porteurs asymptomatiques) alors que d’autres sont hospitalisés aux soins intensifs dans un état très instable. Physiologiquement, Il existe plusieurs raisons à cela et en voici 3 principales. 

On remarque que les individus qui ont développé des complications plus sévères ont manifesté une incompétence relative de leur système immunitaire inné (premières cellules de défense du corps) retardant la détection du virus et par ricochet l’atténuation du signalement d’alerte aux autres cellules immunitaires du corps (1,2). Ainsi, le virus ayant eu une meilleure capacité de se reproduire sans être neutralisé au bon moment, cause beaucoup plus de destruction dans le corps de son hôte avant que celui-ci ne puisse réagir adéquatement dans ses mécanismes de défense. Certains facteurs peuvent perturber l’efficacité des barrières de première ligne et l’un des plus importants est la nutrition. En effet, un individu malnutri et/ou déficient en certains micronutriments sera plus à même de d’avoir un système immunitaire peu compétent (3). 

On remarque aussi que les complications liées à l’infection à SARS-COV2 sont plus nombreuses chez les gens souffrant de maladies chroniques cardio-métaboliques (maladies cardio-vasculaires, diabète, hypertension, obésité…) dans une proportion inquiétante (4). En y réfléchissant bien, on constate que le dénominateur commun de ces pathologies est… l’inflammation (5)! Ce phénomène témoigne de l’activation relative du système immunitaire sous l’effet de comportements souvent malsains afin de protéger l’organisme de ces « attaques répétées » à son intégrité (tabagisme, exposition à des toxines environnementales, ingestion d’aliments transformés malsains pour le corps, sécrétion excessives d’hormones de stress, etc). Cette activation du système immunitaire ne le rend pas plus compétent, bien au contraire. On remarque déjà chez les individus souffrant de maladies chroniques une augmentation des cytokines inflammatoires (ces substances chimiques qui visent à alerter l’organisme en cas de bris de défense), avant même que le virus ne les infecte (6). 

Il est aussi important de mentionner que le virus SARS-COV2 permet d’infecter l’organisme en liant sa protéine « spike » aux récepteurs ACE2 présents à la surface des cellules de plusieurs organes du corps et particulièrement dans les poumons, les reins, l’intestin, le cerveau, le coeur, etc (7). Tout juste après sa liaison avec le récepteur cellulaire, le virus peut alors s’internaliser dans la cellule et utiliser la mécanique cellulaire à sa disposition pour assurer sa propre réplication et ainsi l’infection de d’autres cellules par les virions produits et ce, jusqu’à ce que le système immunitaire tente de neutraliser ce processus. Ce faisant, les cellules infectées sont détruites et ne sont plus fonctionnelles pour assurer leurs propriétés habituelles, conduisant ainsi aux dysfonctions d’organes multiples que l’on voit apparaitre dans les cas de COVID19 sévères (insuffisance respiratoire, thromboses, myocardites, diarrhée, anosmie, etc.). Or, ce récepteur ACE2 semble avoir des propriétés protectrices en étant interpellé dans certaines réactions enzymatiques régulant la pression artérielle, le tonus vasculaire et l’état inflammatoire des vaisseaux sanguins (8). Il a été reconnu que certaines conditions de santé présentes chez un individu est susceptible de provoquer une sous-expression des récepteur ACE2 à la surface des cellules tel que dans l’hypertension, le diabète, la maladie cardiovasculaire et chez les gens plus âgés (9). Ainsi, la destruction subséquente des cellules infectées contenant ce récepteur ACE2 qui a un effet bénéfique et protecteur pour l’organisme semble être un des facteurs contribuant au degré de sévérité de l’atteinte à COVID19 chez cette population.

Quand on parle de COVID19, on craint ce qu’on appelle la « tempête de cytokines » pouvant provoquer un état d’instabilité majeure chez un individu et nécessiter son hospitalisation. Ces cytokines inflammatoires, alors qu’elles sont présentes dans notre corps pour une raison essentielle, soit de stimuler le recrutement des cellules immunitaires impliquées dans la défense de l’organisme lorsque celui-ci est confronté à une attaque, peuvent causer bien des problèmes lorsque présentes en trop grande quantité : chute de pression, chute de l’oxygénation, altération de la contractilité du coeur, coagulation inappropriée du sang dans les veines et artères, dysfonctionnement des reins et du foie, etc. La tempête de cytokines a donc beaucoup plus de chances de survenir chez les individus qui ont une barrière de première ligne insuffisante retardant ainsi la détection du virus et provoquant une réaction exagérée du système immunitaire une fois qu’il se rend compte de la présence du virus dupliqué dans l’organisme, ainsi que chez les individus ayant déjà des cytokines inflammatoires élevées dans leur corps en raison de leurs habitudes de vie (conduisant aux maladies chroniques que l’on connait). Il faut savoir que les 2 mécanismes peuvent cohabiter, rendant la situation des patients concernés très préoccupante. 

Pour se sauver des potentielles complications de la COVID19, les interventions sur notre santé pouvant réellement changer les choses vont au-delà d’un bon contrôle des maladies chroniques et/ou d’une supplémentation ou médicamentation systématique en « prévention ».  Il ne suffit pas de ne PAS avoir de diagnostic de maladie, car le métabolisme peut cacher un tout autre tableau de vulnérabilité. Au contraire, il faut agir de façon personnalisée dans le but de renverser les mécanismes physiologiques causant éventuellement les maladies chroniques que l’on connaît et idéalement déterminer et traiter l’existence de déficiences nutritionnelles pouvant être présentes chez un individu en fonction de ses propres comportements. Il n’y a pas de « one size fits all » dans la prévention ! La nécessité de travailler avec des professionnels de la santé qui sont capables d’adapter les recommandations à la réalité de chacun est primordiale. 

Parmi les stratégies principales permettant d’améliorer l’état inflammatoire et de solidifier les défenses de première ligne, on retrouve les éléments suivants : 

  1. Perdre du poids, particulièrement le gras se situant sur la ceinture abdominale. Il est bien connu que le gras dit « viscéral » sécrète une grande quantité de cytokines inflammatoires. Le surpoids est un des facteurs de risque les plus importants de souffrir d’une forme sévère de la COVID19. En effet près de 75% des patients admis aux soins intensifs dans les circonstances ont un IMC de >25 et la mortalité est accrue de 48% (10). 
  2. Renverser la résistance à l’insuline en adoptant une alimentation plus faible en glucides. L’hyperinsulinémie est un phénomène qui précède l’apparition du diabète de plusieurs années, voir quelques décennies (11). On voit cette particularité métabolique de plus en plus fréquemment chez les jeunes qui ont de mauvaise habitudes alimentaires et cela s’exacerbe avec le temps. En effet, l’alimentation riche en glucides (autant celle comportant une grande charge glycémique que celle comportant des aliments à fort index glycémique) a un effet néfaste sur le taux l’insuline dans le sang qui s’élève anormalement et de façon constante, provoquant ainsi des dommages au niveau des artères et de plusieurs organes clés (12). L’hyperinsulinémie est une source importante d’inflammation et est de plus en plus associée à la maladie cardiovasculaire (13). 
  3. Bouger à tous les jours, mais éviter les excès! Ce n’est pas parce qu’on fait des marathons ou des « ironman » qu’on est plus en santé que quiconque. Au contraire, les activités physiques trop rigoureuses avec peu de temps pour récupérer et/ou une alimentation insuffisante peuvent déclencher un processus inflammatoire et une moins bonne compétence du système immunitaire (14,15). À l’inverses, les individus sédentaires se trouvent dans une situation aussi délétère métaboliquement (16). Pour optimiser l’effet positif sur le système immunitaire et l’inflammation, on recommande de bouger avec une intensité modérée 30 minutes par jour au minimum (ou 150 minutes / semaine). 
  4. Éliminer le stress de son quotidien. Plus facile à dire qu’à faire dans la société actuelle, mais on doit reconnaitre le lien étroit entre le stress chronique et la perte de compétence du système immunitaire à long terme. Il est bien démontré qu’en aigu, les hormones de stress sécrétées permettent l’adaptation de l’organisme dans le but d’assurer sa survie par différents mécanismes et cela est bien souhaitable. Cependant, lorsque ces hormones restent élevées chroniquement dans le sang (ce qu’on voit de plus en plus avec la façon dont on gère notre quotidien qui va trop vite!), on aperçoit une perte d’efficacité de la défense immunitaire tout en contribuant à garder les niveaux d’inflammation hauts dans le corps (17). Les exercices de relaxation, de méditation, les activités sociales et le contact avec la nature peuvent aider à diminuer le stress. 
  5. Favoriser un sommeil de qualité, idéalement entre 6 et 9h par nuit. Le manque de sommeil est sans contredit un des paramètres qui influencent le plus la réponse immunitaire (18). On a même remarqué une plus faible production d’anticorps chez les individus qui n’avaient pas bien dormi la veille de l’administration d’un vaccin (19). Il faut aussi garder en tête que le sommeil qui est provoqué artificiellement avec certains médicaments de type « somnifères » peut avoir une architecture significativement affectée, rendant son effet réparateur très peu présent (20).
  6. Encourager la croissance d’un microbiome sain et équilibré. On n’en parle jamais assez, mais le microbiome qui occupe le tractus digestif peut être considéré comme un organe en soit tellement il a d’interactions dynamiques avec différentes fonctions du corps. Il faut savoir que près de 70% des cellules immunitaires de notre organisme séjournent dans notre système digestif et plusieurs signaux d’activation de ces cellules relèvent du métabolisme de nombreuses substances par le microbiote (21,22). La consommation de fibres et d’aliments contenant des probiotiques, l’évitement du sucre raffiné ou d’aliments transformés, la réduction du stress et une grande précaution en lien avec les médicaments consommés au quotidien (par exemple, les antiacides à long terme et les antibiotiques pour des raisons non infectieuses) sont des éléments qui favorisent la croissance d’un microbiote optimal. 
  7. Optimiser l’état nutritionnel, de façon personnalisée. Il est scandaleux de réaliser que la population canadienne consomme 60% de ses calories sous forme d’aliments ultra transformés, de sorte que le contenu en vitamines et minéraux est quasi nul (23). Sans compter la consommation accrue en médicaments divers qui provoquent une altération de l’absorption ou une augmentation de l’excrétion de plusieurs nutriments essentiels. On peut presque dire que l’état nutritionnel d’un individu obèse ressemble parfois à celui d’un individu en état de privation alimentaire chronique (24). Il n’est pas rare de constater des déficiences nutritionnelles supplémentaires chez les individus qui consomment de l’alcool, qui ont des problèmes d’absorption intestinale, qui mangent peu ou qui sont très sélectifs, etc. On entend fréquemment parler du zinc, de la vitamine C et de la vitamine D qui ont un impact majeur sur le fonctionnement immunitaire, mais plusieurs autres micronutriments peuvent s’avérer cruciaux pour éviter de perturber le fonctionnement immunitaire en cas de carence (25). La prise de suppléments devrait être personnalisée au cas par cas en fonction des facteurs de risque de développer une déficience en divers vitamines et minéraux. 

En conclusion, on peut réaliser que chaque individu a plus de pouvoir qu’il ne le croit pour réussir à agir sur les facteurs de risque qui augmentent la probabilité de souffrir d’une forme sévère de la COVID19. L’optimisation des défenses de première ligne et son impact sur le reste du système immunitaire afin d’augmenter la facilité avec lequel le corps peut neutraliser le virus ainsi que la réduction de l’inflammation systémique pour diminuer le risque de déclencher une tempête de cytokines sont des éléments physiologiques importants à considérer dans la mise en place de stratégies de réduction du risque. La COVID19 aura certainement créé un chaos sociétal important, mais peut-être nous aura-t-elle permis de prendre enfin conscience des stratégies qui permettent de soutenir la santé plutôt que de traiter la maladie une fois installée ? C’est la puissance de la médecine préventive personnalisée !

Anne-Isabelle Dionne MD

Dre Dionne est omnipraticienne depuis 2014 et pratique aux soins intensifs de l’hôpital Honoré-Mercier de St-Hyacinthe ainsi que dans un GMF sur la Rive-Sud de Montréal. Elle a fondé en 2018 un centre de médecine préventive se spécialisant dans l’accompagnement des gens souffrant de problèmes de santé divers dans l’amélioration de leurs habitudes de vie au quotidien par le biais de l’alimentation, l’activité physique, la gestion du stress et du sommeil. Le Centre Axis est un OBNL qui offre une de prise en charge multidisciplinaire à visée préventive à la population générale désirant améliorer leur santé, prévenir ou renverser une maladie chronique connue tout en diminuant le besoin de médication associé. Les services du Centre Axis peuvent se dispenser à distance en télémédecine. Pour nous contacter : 514-953-2947 ou info@centreaxis.ca


1. Zheng M, Gao Y, Wang G, Song G, Liu S, Sun D, Xu Y, Tian Z. Functional exhaustion of antiviral lymphocytes in COVID-19 patients. Cell Mol Immunol. 2020 May;17(5):533-535. doi: 10.1038/s41423-020-0402-2. Epub 2020 Mar 19. PMID: 32203188; PMCID: PMC7091858.

2. Antonioli, L., Fornai, M., Pellegrini, C. et al. NKG2A and COVID-19: another brick in the wall. Cell Mol Immunol 17, 672–674 (2020). https://doi.org/10.1038/s41423-020-0450-7

3. Wu D, Lewis ED, Pae M, Meydani SN. Nutritional Modulation of Immune Function: Analysis of  Evidence, Mechanisms, and Clinical Relevance. Front Immunol. 2019;9:3160. Published 2019 Jan 15.  doi:10.3389/fimmu.2018.03160

4. Alyammahi SK, Abdin SM, Alhamad DW, Elgendy SM, Altell AT, Omar HA. The dynamic association between COVID-19 and chronic disorders: An updated insight into prevalence, mechanisms and therapeutic modalities. Infect Genet Evol. 2021;87:104647. doi:10.1016/j.meegid.2020.104647

5. Pahwa R, Goyal A, Bansal P, et al. Chronic Inflammation. [Updated 2020 Nov 20]. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2021 Jan-. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK493173/

6. Strowig T, Henao-Mejia J, Elinav E, Flavell R. Inflammasomes in health and disease. Nature. 2012 Jan 18;481(7381):278-86. doi: 10.1038/nature10759. PMID: 22258606.

7. Kuba K, Imai Y, Ohto-Nakanishi T, Penninger JM. Trilogy of ACE2: a peptidase in the renin-angiotensin system, a SARS receptor, and a partner for amino acid transporters. Pharmacol Ther. 2010 Oct;128(1):119-28. doi: 10.1016/j.pharmthera.2010.06.003. Epub 2010 Jul 3. PMID: 20599443; PMCID: PMC7112678.

8.  Cheng H, Wang Y, Wang GQ. Organ-protective effect of angiotensin-converting enzyme 2 and its effect on the prognosis of COVID-19. J Med Virol. 2020 Jul;92(7):726-730. doi: 10.1002/jmv.25785. Epub 2020 Apr 5. PMID: 32221983; PMCID: PMC7317908.

9. Verdecchia P, Cavallini C, Spanevello A, Angeli F. The pivotal link between ACE2 deficiency and SARS-CoV-2 infection. Eur J Intern Med. 2020;76:14-20. doi:10.1016/j.ejim.2020.04.037

10.  Popkin BM, Du S, Green WD, Beck MA, Algaith T, Herbst CH, Alsukait RF, Alluhidan M, Alazemi N, Shekar M. Individuals with obesity and COVID-19: A global perspective on the epidemiology and biological relationships. Obes Rev. 2020 Nov;21(11):e13128. doi: 10.1111/obr.13128. Epub 2020 Aug 26. PMID: 32845580; PMCID: PMC7461480.

11.  Li C, Ford ES, McGuire LC, Mokdad AH, Little RR, Reaven GM. Trends in hyperinsulinemia among nondiabetic adults in the U.S. Diabetes Care. 2006 Nov;29(11):2396-402. doi: 10.2337/dc06-0289. PMID: 17065674.

12. Gower BA, Pearson K, Bush N, Shikany JM, Howard VJ, Cohen CW, Tison SE, Howard G, Judd S. Diet pattern may affect fasting insulin in a large sample of black and white adults. Eur J Clin Nutr. 2021 Apr;75(4):628-635. doi: 10.1038/s41430-020-00762-9. Epub 2020 Oct 6. PMID: 33024285.

13. Dugani SB, Moorthy MV, Li C, et al. Association of Lipid, Inflammatory, and Metabolic Biomarkers With Age at Onset for Incident Coronary Heart Disease in Women. JAMA Cardiol. Published online January 20, 2021. doi:10.1001/jamacardio.2020.7073

14. Lakier Smith L. Overtraining, excessive exercise, and altered immunity: is this a T helper-1 versus T helper-2 lymphocyte response? Sports Med. 2003;33(5):347-64. doi: 10.2165/00007256-200333050-00002. PMID: 12696983.

15. Ertek S, Cicero A. Impact of physical activity on inflammation: effects on cardiovascular disease risk and other inflammatory conditions. Arch Med Sci. 2012;8(5):794-804. doi:10.5114/aoms.2012.31614

16. Falconer CL, Cooper AR, Walhin JP, et al. Sedentary time and markers of inflammation in people with newly diagnosed type 2 diabetes. Nutr Metab Cardiovasc Dis. 2014;24(9):956-962. doi:10.1016/j.numecd.2014.03.009

17. Cain DW, Cidlowski JA. Immune regulation by glucocorticoids. Nat Rev Immunol. 2017 Apr;17(4):233-247. doi: 10.1038/nri.2017.1. Epub 2017 Feb 13. PMID: 28192415.

18. Hirotsu C, Tufik S, Andersen ML. Interactions between sleep, stress, and metabolism: From  physiological to pathological conditions. Sleep Sci. 2015;8(3):143-152. doi:10.1016/j.slsci.2015.09.002

19. Benedict C, Cedernaes J. Could a good night’s sleep improve COVID-19 vaccine efficacy? Lancet Respir Med. 2021 Mar 12:S2213-2600(21)00126-0. doi: 10.1016/S2213-2600(21)00126-0. Epub ahead of print. PMID: 33721558; PMCID: PMC7954467.

20.  Lie JD, Tu KN, Shen DD, Wong BM. Pharmacological Treatment of Insomnia. P T. 2015;40(11):759-771.

21.  Rooks, M., Garrett, W. Gut microbiota, metabolites and host immunity. Nat Rev Immunol 16, 341–352  (2016). https://doi.org/10.1038/nri.2016.42 

22.  Blander JM, Longman RS, Iliev ID, Sonnenberg GF, Artis D. Regulation of inflammation by microbiota  interactions with the host. Nature immunology, 18(8), 851–860. 

23.  https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-003-x/2020011/article/00001/tbl/tbl02-eng.htm

24. Butterfield S. Obesity and malnutrition are not mutually exclusive. Nutrition / ACP. February 2015. https://acphospitalist.org/archives/2015/02/nutrition.htm

25. Delafuente JC. Nutrients and immune responses. Rheum Dis Clin North Am. 1991 May;17(2):203-12. PMID: 1907394.