Par Andréane Leblanc, professeure de Yoga, méditation pleine conscience et gestion du stress au Centre Axis. Cet article a été originalement publié dans LeDevoir.com
En novembre 2019, après un rendez-vous en optométrie, un autre chez le médecin, deux résonances magnétiques, un CT scan, une ponction lombaire et plusieurs analyses sanguines, on m’a diagnostiqué une sclérose en plaques. J’avais 29 ans. En l’espace d’un mois, de mi-octobre à mi-novembre 2019, j’avais accumulé plus de symptômes que je pouvais compter de doigts sur mes mains (et je voyais double !).
Vision floue et double, vertigo incessant, déséquilibre, perte de mobilité de mon bras et de ma jambe gauche, perte de goût du côté gauche de ma bouche, difficulté marquée à engager les muscles contrôlant mes sphincters, affaiblissement général, engourdissements, etc. Pour une personne active, sportive, autonome en plus d’être professeure de yoga comme moi, c’était un peu le cauchemar.
En quelques semaines, je ne pouvais plus conduire, je ne pouvais plus marcher dehors sans bâton ou la précieuse aide de mon conjoint, ni pratiquer mes activités sportives préférées (la position du chien tête en bas quand on est constamment extrêmement étourdie : moyen). Bref, je collectionnais assez de symptômes pour inquiéter les spécialistes. « Tu devras te trouver rapidement un logement sans escalier, pour qu’un fauteuil roulant puisse passer », m’a-t-on dit. Des mots qui ne sonnent pas très doux aux oreilles de… personne ! La neurologue qui me suivait alors m’a d’emblée dit qu’elle voulait que je commence un traitement très fort (il y a une gradation dans les traitements offerts pour la sclérose en plaques), qui était alors en essai clinique et utilisé pour, entre autres, certains patients affligés de la leucémie.
De la chimiothérapie, autrement dit. Un puissant immunosuppresseur à m’administrer tous les six mois jusqu’à… tout l’temps. Oui, comme la sclérose en plaques est une maladie auto-immune incurable, les traitements offerts servent à affaiblir le système immunitaire afin que celui-ci ne déclenche pas de « poussées » de symptômes, et ce sont des traitements pour la vie. J’ai demandé s’il y avait autre chose que je pouvais faire pour améliorer mon sort, comme certains exercices, par exemple.
La neurologue m’a répondu simplement : « Non. »
J’ai fait le traitement recommandé une première fois. Dans la salle, où d’autres gens, pour la plupart des cancéreux, étaient venus recevoir leur traitement de chimiothérapie, j’ai attendu pendant six heures qu’une poche de liquide se vide dans mon système. À chaque goutte qui se déversait, je sentais ma vitalité, mon énergie et mon rythme cardiaque chuter radicalement. Quelle épreuve ce doit être que de vivre tout cela à répétition. J’ai immédiatement décidé que c’était ma première et dernière ronde de médicaments, pour l’instant.
Voyez-vous, je me sens privilégiée d’être ainsi faite : jamais (ou presque) mon diagnostic ne m’a découragée. J’avais décidé, dès l’instant où la nouvelle est tombée, de tout, mais absolument tout faire pour améliorer ma vie avec la sclérose. Assez facilement, j’ai trouvé maints articles, balados et ouvrages scientifiques (ou non) traitant de la sclérose en plaques et de la façon dont nos habitudes de vie peuvent être modifiées pour potentiellement améliorer le pronostic. J’ai tout de suite modifié certains points clés de mon alimentation, adapté des exercices pour continuer de mouvoir mon corps assez lourdement atteint, tenter de gérer mon stress et améliorer mon sommeil, en plus d’inclure les suppléments recommandés.
Bref, j’ai continué d’avancer.
J’ai refusé de croire, comme ma neurologue me l’avait dit, qu’il n’y avait rien de plus à faire que d’adhérer à un traitement immunosuppresseur pour le restant de mes jours. J’ai choisi de mettre toutes les chances de mon côté afin de vivre, non seulement le plus longtemps possible, mais, et surtout, le mieux possible, avec le plus de facultés possible.
En quelques mois, tous mes symptômes ont disparu un à un, et à ce jour, en juin 2023, je n’ai jamais été aussi en forme de toute ma vie.
Je ne crois pas que ma recette soit la bonne pour tous ; il y a d’infinies recettes pour chaque individu et leur condition très spécifique. Je crois, par contre, que si ma neurologue ou d’autres spécialistes de la santé répondent « non » à la question « y a-t-il autre chose que je peux faire ? » à d’autres humains moins à l’affût, moins motivés ou moins pleins d’espoir que moi, ceux-ci passeront à côté d’une prise de pouvoir immense et d’un potentiel d’amélioration de leur vie incroyable.
Oui, les traitements, les pilules et autres sont souvent absolument nécessaires et doivent être prescrits quand tout le monde est consentant. Par contre, d’autres « prescriptions » devraient, à mon sens, impérativement être considérées si les spécialistes de la santé ont réellement à coeur la santé des gens et le désir de désengorger ce système de santé, on va se l’dire, en assez piteux état merci, qu’est le nôtre.
Prescrire, peut-être, une petite bouffée d’air frais tous les jours, un soutien psychologique, un appel téléphonique à un être cher, un groupe de soutien de gens vivant avec les mêmes afflictions, une rencontre avec un nutritionniste ou un kinésiologue, des séances de relaxation ou de méditation, etc. On ne doit pas sous-estimer les bienfaits de chaque geste que nous posons ou voudrions poser au quotidien.
Notre système de santé doit arrêter de rendre les patients dépendants de lui et leur redonner du pouvoir sur leur propre santé. Notre système de santé doit donner de l’espoir aux gens et les diriger vers les outils ou spécialistes externes appropriés. Notre système de santé doit oser changer, revoir ses priorités et réellement entretenir la santé, pas la maladie.
Si, comme Einstein l’a si bien dit, la folie est de faire toujours la même chose en attendant un résultat différent, il est grand temps que notre système de santé fasse quelque chose de bien, bien différent !